I. Notions
fondamentales
Le langage permet, outre la communication impliquant
les caractères suivants, de constamment doubler les éléments auxquels nous
prêtons le nom, quelquefois ambigu, de « choses ».
La logique, qui a été initialement systématisée
par Aristote au IVe siècle avant notre ère, va dans l’histoire
permettre une réflexion grammaticale, mais surtout une réflexion générale sur
le langage. Dans le traité des catégories, le Stagirite va instituer comme
substance (ουσία, essence) première l’individu (τόδε
τι,
démonstratif), ce qui amener les penseurs du Moyen Âge byzantin et occidental à
considérer ce double aspect des langues :
1. Une fonction
de compréhension, où chaque mot sera le relatif d’un signifié (une
« idée », conçue généralement comme abstraite ; voir cependant
l’étymologie de l’idée).
2. Une fonction
d’extension, où l’idée (ou chaque mot) sera relative à une totalité des
choses qu’elle représente à l’esprit. Autrement dit, l’abstraction de leurs
formes ou fonctions donnera lieu, dans la langue, à un substantif, et dans
l’esprit à un concept, et doit être distinguée de chaque réalité où elle se
multiplie.
Nous sommes, avec Pierre d’Espagne (le pape
Jean XXI) au XIIIe siècle, à l’époque où la logique (substance,
qualité, relation, etc.) induit des transformations en grammaire (scission du
substantif d’avec l’adjectif, modes de signifier, etc.) Il faut donc dès à
présent soigneusement distinguer le fait de signifier (une chose) de la manière
de signifier (les propriétés d’une chose selon le discours dans lequel le mot
est placé).
II. La supposition
On appelle aussi cette dernière fonction, —
l’extension, — par laquelle l’on comprend (cum
prehendere) toutes les choses actuelles ou possibles, la supposition (sub-position, hypo-tithemein,
hypo-keinmenon chez Apollonius, mais le sens en est autre).
Chaque individu qui se place sous l’idée sera
appelé suppôt, dont la totalité
formera l’extension d’un nom commun.
Omnis
homo est animal.
Dans cet exemple, homo (le substantif) suppose pour tous les hommes individuels,
Socrate, Platon, vous, etc. (vivants, ayant vécu, ou à vivre). Nous distinguons
donc le linguistique (le mot et
l’idée) de l’extra-linguistique (l’individu
référent) ; la signification
(l’idée) de la supposition (les
suppôts de l’idée) ; enfin, l’essence
(la forme abstraite) de l’existence (forme
et matière), en prenant soin de ne pas établir de stricte analogie entre ces
groupes.
III. La supposition
chez Pierre d’Espagne
1. Supposition discrète
Il s’agit simplement de la supposition du nom
propre, c’est-à-dire à référent unique.
Plato est mortalis.
2. Supposition commune
La supposition du nom commun est plus complexe
puisqu’elle implique plusieurs suppôts. Elle se divise doublement :
a. Naturelle : le nom commun sans
contexte (hors discours) : homo.
b. Accidentelle : le nom commun en
contexte :
-
simple : le nom suppose pour son
signifié : homo est
species.
- personnelle :
le nom suppose pour des existants :
-
confuse : pour tous les existants : omnis homo est animal.
-
déterminée : pour quelques existants : aliquis homo...
3. Remarques
Pierre d’Espagne ne considère que le substantif
pour la supposition, contrairement à Guillaume d’Occam qui inclut l’adjectif.
Il faut bien distinguer, dans une perspective grammaticale
et logique, le substantif de l’adjectif et du pronom : le premier signifie
une existence et une qualité (le cheval renvoie à un individu déterminé et à un
ensemble de caractères : la robe, un être quadrupède, périssodactyle,
etc.), l’adjectif seulement à la qualité (une robe alezane), le pronom à l’existence seule, selon les modalités de l’anaphore
(Ce cheval, il est alezan).
Notons enfin que l’article indéfini permet
quelques fois de séparer le substantif de l’adjectif :
Platon
est un philosophe (d’une classe, parmi d’autres)
Platon
est philosophe (qualité)
Bibliographie
De la logique de Pierre
d’Espagne,
Thurot, Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 8e année, 1864, pp. 217-228.
Logique, structure,
énonciation,
O. Ducrot, Edition de Minuit, 1989, pp. 19-30.
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