Grammaire, logique et
pensée
L’étude
du point de vue de l’homme sur son propre langage, sans pour autant en faire un
métalangage distinct mais en gardant en commun le formalisme qui fait naître
grammaire et logique, est d’un intérêt profond.
Exprimant
une réflexivité toute philosophique, désireuse souvent pour la pensée d’une proximité plus intime que l’étrangeté du symbole
ou du signe, la grammaire semble ici si proche de la logique qu’elle ne
laisse point de nous faire souvenir de ses origines, le λόγος héraclitéen, fixant
sur le flux des choses l’immuable vertu de ses mots. Elle-même (de γράμμα,
lettre) semble vouloir fixer, depuis l’écriture phonétique et la possibilité de
la comparer à la parole, les sons de la voix.
Le
trivium au Moyen Âge encore nous
renseigne sur le voisinage de la grammaire et de la logique (la dialectique),
deux de ses disciplines — outre la rhétorique.
Jusqu’à
récemment, les deux étaient restées si proches qu’elles ont été, quelquefois,
interchangeables : la « grammaire pure » de Husserl ou les « grammaires
logiques » du siècle dernier en sont les garantes, et restent tributaires
de Port-Royal, c’est-à-dire de la recherche d’un fondement et des règles
communes à toutes les langues ; ce à quoi précisément la pensée grecque
est étrangère.
La
rupture entre grammaire et logique n’est avérée qu’avec l’acquisition, de
celle-ci, d’un système de signes propres (Boole, Frege) ce qui ne confirme,
loin de l’idée d’une grammaire générale, que la vertu de sa signification étymologique.
Et tout comme des débris de la philosophie après Kant s’est détachée la
psychologie, la grammaire aujourd’hui ne conserve que sa capacité à préconiser des
règles de bon usage, ainsi déchue de son ambition d’universalité au profit de
la logique, approchante des mathématiques.
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